Décès de Hubert Dubedout
Notice
Hubert Dubedout est mort ce matin. Ce Parisien avait été charmé par la montagne grenobloise. C'est là qu'il fit sa carrière politique et devint maire de Grenoble puis député.
- Rhône-Alpes > Isère > Grenoble
Éclairage
Le 25 juillet 1986, Hubert Dubedout meurt, victime d'une attaque lors d'une randonnée en montagne. A l'image de ce reportage, la mémoire de l'ancien maire de Grenoble est saluée par beaucoup. Il a en effet longtemps incarné la figure d'un maire au parcours politique atypique, qualifié en son temps par certains journaux de gauche comme le « meilleur maire de France » et indissociable du « mythe grenoblois » des années 1960 et 1970.
Hubert Dubedout est né à Paris en 1922. Il a passé la plus grande partie de son enfance à Pau. Il se destine ensuite à être officier de marine, participe à la résistance à partir de 1942 puis acquiert une formation d'ingénieur. En 1958, détaché de l'armée, il s'installe à Grenoble où il devient un des collaborateurs de Louis Néel, dirigeant du centre d'étude nucléaire (CENG). Il est par la suite un des cadres du Commissariat à l‘Energie Atomique (CEA).
À cette époque, il découvre Grenoble, la montagne, mais aussi l'action politique. Il se fait remarquer pour sa dénonciation de la mauvaise gestion du réseau d'eau de la municipalité grenobloise (dirigée alors par le maire UNR Albert Michallon). Après avoir créé un syndicat des usagers de l'eau, il fonde, dans l'optique des élections municipales, le Groupe d'Action Municipale (GAM) en 1964. Celui-ci regroupe des militants provenant d'horizons divers (universitaires, techniciens de l'urbanisme, syndicalistes CFDT, membres d'associations, dont des humanistes chrétiens) qui estiment que les partis politiques n'apportent pas de réponse adaptée aux mutations que subit Grenoble au début des années 1960 : la ville connait à cette époque la plus rapide croissance démographique de son histoire mais également un certain retard en matière d'équipements et d'aménagements. Le GAM constitue alors avec la Section Française de l'Internationale Ouvrière (SFIO) et le Parti Socialiste Unifié (PSU) une liste commune intitulée « Union socialiste et d'action municipale », que dirige Hubert Dubedout. En 1965, la victoire, plutôt inattendue, de cette liste d'un nouveau genre (on a alors parlé d'une « nouvelle gauche ») vient conforter l'image grandissante d'une ville en avance sur son temps : en plus des niveaux scientifique et économique, elle est présentée désormais comme innovante au niveau politique. Par la suite, Hubert Dubedout est réélu à deux reprises : en 1971 et 1977 (pour cette dernière élection, dans un contexte d'union de la gauche, la liste s'est ouverte au parti communiste). Il est entretemps devenu député (de 1973 à 1983) et a adhéré au parti socialiste (à partir de 1974).
C'est sous ses 18 années de mandature à la tête de la ville que Grenoble a été désignée comme ville « laboratoire » dans les domaines des politiques d'urbanisme et de mixité sociale. Si, dans un premier temps, son équipe a dû gérer l'organisation des Jeux Olympiques d'hiver de 1968, obtenus par son prédécesseur, ceux-ci ont été l'occasion de mettre en place bon nombre d'aménagements : une nouvelle gare, un aéroport, des raccordements autoroutiers, une station de télévision, un palais des expositions, la Maison de la culture, le musée dauphinois et deux quartiers neufs (le village olympique, d'abord destiné à loger les athlètes, et le quartier Malherbe, pour la presse). Une fois l'événement sportif passé, la mairie s'est alors lancée dans des actions d'aide sanitaire et sociale : érection de centres sociaux, de maisons de jeunes, de l'office grenoblois des personnes âgées. De manière plus globale, l'équipe Dubedout, persuadée que le fait de changer la ville peut changer la vie dans la Cité, a multiplié les actions d'urbanisme. La plus emblématique, et la plus décriée de celles-ci, est la construction du quartier de la Villeneuve. Celui-ci, à cheval sur les communes de Grenoble et d'Échirolles, se voulait le symbole d'un aménagement concerté avec les populations (par l'intermédiaire de l'Agence de l'urbanisme) et d'un quartier luttant contre la ségrégation spatiale et sociale grâce à une architecture favorisant la mixité et l'ouverture à l'autre et grâce aussi à la mise en place d'équipements et de services sociaux (le centre de santé, le centre audiovisuel, la maison de quartier, les écoles à pédagogie expérimentale, le centre commercial de Grand Place par exemple). Cependant, quarante années après l'arrivée des premiers habitants (les premières habitations au quartier de l'Arlequin datent de 1972), la confrontation de l'utopie fondatrice au recul historique pousse à en relativiser le bilan, comme le rappellent les émeutes de 2010. D'autres actions d'aménagement ont marqué la ville : rénovation urbaine de quartiers anciens, création de la zone pour l'innovation et les réalisations scientifiques et techniques (ZIRST) de Meylan en 1972, décision de réintroduire le tramway comme transport urbain en 1981.
Par ailleurs, Hubert Dubedout, fidèle à l'expérience GAM, œuvra également afin d'enraciner une certaine forme de démocratie participative, notamment en développant les unions de quartiers (on en comptait alors une vingtaine dans Grenoble) et en associant fortement les associations à la vie municipale, particulièrement dans le domaine de la culture qui connut un essor important à cette époque.
Le président François Mitterrand lui confie en 1982, la mise en œuvre d'une politique de la ville connue sous le nom de Développement social des quartiers (DSQ) accompagnée de la création d'une Délégation interministérielle à la ville. Mais, battu aux élections municipales de 1983 par je jeune chef de file du RPR local, Alain Carignon, Hubert Dubedout s'est retiré de la vie politique la même année.